< Tests

Quelles pistes pour détecter les personnes contagieuses à l’entrée d’un bar ou d’un avion ?

Texte mis à jour le 2020-12-07


Mis à part les tests biologiques et les mesures de température pour détecter les personnes potentiellement infectées par la COVID-19, de nouvelles approches sont en cours de développement : détection par des chiens, analyse de la voix à l’ordinateur, et analyse des paramètres vitaux via des montres connectées.

Imaginez un restaurant, une boite de nuit ou un bar dans lequel vous seriez sûr de ne pas croiser une personne contagieuse. Tous les gens pourraient alors, une fois à l’intérieur, se relaxer et vivre sans masque. Mais est-ce imaginable dans une région où le virus circule activement ? Pour cela, il faudrait des tests rapides et très sensibles, effectués à l’entrée pour détecter facilement les personnes infectées et ne laisser entrer que celles qui ne le sont pas. Nous n’y sommes pas encore, mais les chercheurs examinent plusieurs pistes.

La première piste concerne les tests biologiques. Ces tests sont réalisés à partir de prélèvements nasopharyngés, de salive, de gargarisme, de mucus présent à l’entrée du nez. Les tests sont alors basés sur la détection de l’ARN ou bien de certaines protéines du virus. Il existe plus de 2000 tests COVID-19 dans le monde, en cours d’utilisation ou de développement, qui sont répertoriés sur la base de données des tests COVID-19 créée par l’université de l’état d’Arizona. Les tests les plus rapides mettent quelques minutes avant de donner un résultat, mais pour l’instant ils ne sont pas assez sensibles et assez spécifiques pour une utilisation à l’entrée d’un bar ou d’un restaurant. Voir les questions Quel prélèvement pour dépister la COVID-19 : nasopharyngé ou buccal ? et Faux positifs, faux négatifs, sensibilité, spécificité : de quoi parle-t-on ?

Au début de l’épidémie, des mesures de la température, par exemple au moyen d’un thermomètre infrarouge sans contact, ont été mises en place dans certains pays, à l’entrée des aéroports, des Ehpad ou de certains lieux de travail. Aujourd’hui, il est considéré que ce dépistage par la température a une efficacité extrêmement limitée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la fièvre peut être masquée par la prise de médicaments comme le paracétamol. Ensuite, il est estimé que la moitié des contaminations sont dues à des personnes asymptomatiques (qui n’ont pas encore développé de symptômes ou qui n’en développeront jamais). Enfin, environ 55% des personnes atteintes d’une forme légère ou moyenne de la COVID-19 ne présentent pas de fièvre. (Sans compter les personnes fiévreuses qui ne sont pas infectées par le coronavirus). Ainsi, depuis septembre 2020, les contrôles de température dans de nombreux aéroports ont été arrêtés.

D’autres approches alternatives aux tests biologiques sont en cours de développement. Elles sont prometteuses mais pour l’instant, elles ont été testées sur un trop petit nombre de personnes et leur sensibilité et spécificité ne donnent pas encore des résultats satisfaisants pour être utilisées au niveau individuel. Il est donc difficile de savoir si et à quelle échéance ces tests alternatifs pourront être utilisés pour la pandémie. Voir la question Faux positifs, faux négatifs, sensibilité, spécificité : de quoi parle-t-on ?

Des analyses préliminaires suggèrent que les personnes infectées par la COVID-19 pourraient potentiellement être détectées avant l’apparition des symptômes grâce à une montre connectée qui mesure les battements du cœur et le nombre de pas. Ainsi, un système d’alerte à deux niveaux basé sur l’apparition d’élévations extrêmes du rythme cardiaque au repos par rapport à la ligne de base individuelle a permis de détecter rétrospectivement 86% des 24 personnes infectées par le coronavirus sur une cohorte de 5 000 participants environ. Cette méthode n’est pas spécifique à la COVID-19 : elle détecte divers cas d’infection virale respiratoires. Elle est en développement et nécessite d’être mise au point sur un plus grand nombre de personnes.

L’analyse de la voix est une autre piste explorée pour détecter la présence du coronavirus SARS-CoV-2 chez des personnes infectées. La voix, le souffle, la toux contiennent de nombreuses informations et l’analyse des indices vocaux fait actuellement l’objet de nombreuses recherches dans le cadre du diagnostic des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Pour améliorer le dépistage de la COVID-19, l’idée est d’extraire des indices sonores - dits biomarqueurs - de la COVID-19 dans la toux des individus. La toux forcée ou naturelle des individus est enregistrée, puis analysée de manière automatique grâce aux techniques de machine learning. Cette technique pourrait être utile pour accélérer le dépistage à grande échelle, à faible coût et sans besoin logistique d’analyse médicale.

Une autre piste est d’utiliser des chiens dressés pour détecter les personnes infectées par le coronavirus grâce à leur odeur. Plusieurs chiens ont été entraînés depuis plusieurs mois mais la plupart de ces études n’a pas encore été publiée. Les chercheurs travaillant avec les chiens se sont rencontrés début novembre 2020 lors d’une conférence en ligne appelée “International K9 Team” pour partager leurs résultats préliminaires et améliorer la coordination de leurs recherches. Pour l’instant, les expériences avec les chiens sont prometteuses mais elles n’ont pas été menées sur un assez grand nombre de personnes pour pouvoir savoir si la détection de la COVID-19 par les chiens pourrait avoir des applications pendant la pandémie.

L’étude de ces nouvelles pistes pour détecter la COVID-19 est un domaine de recherche très actif et prometteur. Si vous voulez aider les recherches sur la toux, vous pouvez vous enregistrer ici :
pour les personnes COVID-négatives et COVID-positives :
https://opensigma.mit.edu/
https://coswara.iisc.ac.in/
pour les personnes COVID-positives seulement :
https://www.ai4networks.com/admin.php


facebook twitter linkedin

Sources

Le 9 septembre 2020, le CDC américain a modifié sa stratégie de surveillance dans les aéroports et a donné la priorité à d'autres mesures de santé publique que la prise de température pour réduire le risque de transmission de la COVID-19 liées aux voyages. Ces mesures sont : l'éducation sanitaire des passagers avant le départ, pendant le vol et après l'arrivée ; une solide réaction à la maladie dans les aéroports ; la collecte volontaire des coordonnées des passagers par des moyens électroniques, comme le proposent certaines compagnies aériennes pour éviter les longues files d'attente, l'encombrement et les retards liés à la collecte manuelle des données ; des tests potentiels pour réduire le risque de transmission du virus responsable de la COVID-19 et le déplacement du virus d'un endroit à un autre ; des évaluations des risques spécifiques à chaque pays pour aider les passagers à prendre des décisions éclairées sur les risques liés aux voyages ; l'amélioration de la formation et de l'éducation des partenaires du secteur des transports et des ports d'entrée aux États-Unis pour garantir la reconnaissance de la maladie et la notification immédiate au CDC ; et des recommandations aux passagers après leur arrivée pour l'auto-surveillance et les précautions à prendre pour protéger les autres, avec des précautions renforcées, notamment le fait de rester chez soi dans la mesure du possible pendant 14 jours pour les personnes arrivant de destinations à haut risque.

CDC. Federal Government Adjusts COVID-19 Entry Strategy for International Air Passengers. Media Statement. 9 Sept 2020.

Dans cette étude de modélisation, il est considéré que les cas contamination SARS-CoV-2 proviennent dans 46 % des cas de personnes présymptomatiques (avant de présenter des symptômes), dans 38 % des cas de personnes symptomatiques, dans 10 % des cas de personnes asymptomatiques (qui ne présentent jamais de symptômes) et dans 6 % des cas de transmission indirecte via l’environnement. Les estimations concernant les deux dernières voies sont spéculatives.

Ferretti, L., Wymant, C., Kendall, M., Zhao, L., Nurtay, A., Abeler-Dörner, L., ... & Fraser, C. (2020). Quantifying SARS-CoV-2 transmission suggests epidemic control with digital contact tracing. Science, 368(6491).

Seulement 45% des personnes atteintes d’une forme légère ou moyenne de la COVID-19 ont de la fièvre.

Lechien, J. R., Chiesa‐Estomba, C. M., Place, S., Van Laethem, Y., Cabaraux, P., Mat, Q., ... & Barillari, M. R. (2020). Clinical and epidemiological characteristics of 1,420 European patients with mild‐to‐moderate coronavirus disease 2019. Journal of internal medicine.

Analyse des données physiologiques et d'activité de 5 262 participants, dont 32 infectés par la COVID-19. 26 des personnes infectées (81 %) présentaient des altérations de leur rythme cardiaque, du nombre de pas quotidiens ou du temps de sommeil. En utilisant les données rétrospectives de la smartwatch, les chercheurs ont estimé qu’avec leur système d'alerte à deux niveaux basé sur l'apparition d'élévations extrêmes du rythme cardiaque au repos par rapport à la ligne de base individuelle, 62.5% des cas de COVID-19 (15/24) auraient pu être détectés avant l'apparition des symptômes en temps réel. Cette approche est une méthode de détection générale et ne peut actuellement pas distinguer les infections par le coronavirus SARS-CoV-2 de celles causées par d'autres virus respiratoires.

Mishra, T., Wang, M., Metwally, A. A., Bogu, G. K., Brooks, A. W., Bahmani, A., ... & Fay, B. (2020). Pre-symptomatic detection of COVID-19 from smartwatch data. Nature Biomedical Engineering, 1-13.

Des outils digitaux de machine learning sont développés pour faire du dépistage grâce à l’analyse des indices vocaux présents dans la toux (forcée ou non) des personnes infectées par le SARS-CoV-2. Cette étude se focalise sur un des points essentiels qui est de différencier une toux caractéristique de la COVID-19, d’une toux dont la cause n’est pas la COVID-19. Dans cette étude les auteurs ont développé une application pour smartphone qui enregistre la toux et donne en 2 min un résultat. En fonction des modèles de machine learning utilisés, les résultats de sensibilité et spécificité diffèrent plus ou moins des tests RT-PCR. Cette étude fournit une “preuve de concept” avec des résultats encourageants mais qui sont à confirmer sur de plus grandes cohortes de sujets. L’avantage est que ce type de techniques peut être utilisé pour faire du dépistage, ce qui est particulièrement utile pour tester massivement un grand nombre de personnes quotidiennement à très faibles coûts.

Imran, A., Posokhova, I., Qureshi, H. N., Masood, U., Riaz, S., Ali, K., ... & Nabeel, M. (2020). AI4COVID-19: AI enabled preliminary diagnosis for COVID-19 from cough samples via an app. arXiv preprint arXiv:2004.01275.

Étude basée sur des enregistrements de la toux issus de bases de données en Inde : 3621 personnes dont 2001 qui ont été testées positives à la COVID-19 et une autre base de données de 1039 personnes dont 376 positives à la COVID-19. Le test de référence utilisé est la RT-PCR. Plusieurs modèles de machine learning sont testés et le modèle final permet de détecter une infection au SARS-CoV-2 avec une sensibilité de 90% avec une spécificité de 31%. Ces résultats confirment que ce type d’analyse est prometteur mais nécessite d’être amélioré pour une utilisation médicale.

Bagad, P., Dalmia, A., Doshi, J., Nagrani, A., Bhamare, P., Mahale, A., ... & Panicker, R. (2020). Cough Against COVID: Evidence of COVID-19 Signature in Cough Sounds. arXiv preprint arXiv:2009.08790.

Étude basée sur l’analyse des indices sonores pour identifier les signes cliniques de la maladie neurodégénérative génétique de Huntington. Les analyses sont faites sur 45 patients atteints de la maladie de Huntington : 16 individus porteurs de la mutation mais non malades (asymptomatiques) et 24 sujets sains. En fonction des indices sonores utilisés, le modèle de machine learning permet de correctement identifier 56% des individus (malades, asymptomatiques, sujets sains).

Riad, R., Titeux, H., Lemoine, L., Montillot, J., Bagnou, J. H., Cao, X. N., ... & Bachoud-Lévi, A. C. (2020). Vocal markers from sustained phonation in Huntington's Disease. arXiv preprint arXiv:2006.05365.

Étude basée sur l’analyse des indices sonores pour diagnostiquer la maladie neurodégénérative d’Alzheimer. Un modèle de machine learning est entraîné sur 108 personnes (dont 54 patients Alzheimer) et testés sur 48 personnes (dont 24 patients Alzheimer). Les résultats montrent que le modèle permet d’identifier correctement 75% des individus.

Luz, S., Haider, F., de la Fuente, S., Fromm, D., & MacWhinney, B. (2020). Alzheimer's Dementia Recognition through Spontaneous Speech: The ADReSS Challenge. arXiv preprint arXiv:2004.06833.

Article datant de novembre 2020 faisant la synthèse des travaux sur les chiens qui ont été entraînés à détecter les personnes infectées par le coronavirus SARS-CoV-2. Il y est présenté une étude très prometteuse dans un aéroport au Liban : les chiens ont examiné 1680 passagers et ont trouvé 158 cas de COVID-19 qui ont été confirmés par des tests PCR. Les animaux ont correctement identifié les cas négatifs avec une précision de 100%, et ont correctement détecté 92% des cas positifs, selon des résultats non publiés.

Else, H. (2020). Can dogs smell COVID? Here's what the science says. Nature.

Dans cette étude pilote, les chercheurs ont entraîné 8 chiens pendant une semaine à partir d'échantillons prélevés dans la trachée et la bouche de sept personnes hospitalisées atteintes de la COVID-19 et de sept personnes non infectées. Les chiens ont pu identifier 83% des cas positifs de COVID-19 et 96% des cas négatifs.

Jendrny, P., Schulz, C., Twele, F., Meller, S., von Köckritz-Blickwede, M., Osterhaus, A. D. M. E., ... & Manns, M. P. (2020). Scent dog identification of samples from COVID-19 patients–a pilot study. BMC infectious diseases, 20(1), 1-7.

Les chercheurs ont entraîné 8 chiens à détecter la COVID-19 dans 198 échantillons de sueur provenant de divers hôpitaux, dont environ la moitié provenait de personnes atteintes de la COVID-19. Lorsque ceux-ci étaient cachés dans une rangée d'échantillons négatifs, les chiens ont identifié les échantillons positifs dans 83 à 100 % des cas. L’article ne dit pas dans quelle mesure les chiens ont bien identifié les résultats négatifs des tests.

Grandjean, D., Sarkis, R., Tourtier, J. P., Julien, C., & Desquilbet, L. (2020). Detection dogs as a help in the detection of COVID-19: Can the dog alert on COVID-19 positive persons by sniffing axillary sweat samples? Proof-of-concept study. bioRxiv.

Présentation du projet en cours au Royaume-Uni pour entraîner des chiens à détecter la COVID-19.

Jones, R. T., Guest, C., Lindsay, S. W., Kleinschmidt, I., Bradley, J., Dewhirst, S., ... & Logan, J. G. (2020). Could bio-detection dogs be used to limit the spread of COVID-19 by travellers?. Journal of travel medicine.

Pour aller plus loin

Faux positifs, faux négatifs, sensibilité, spécificité des tests COVID : de quoi parle-t-on ?

Quel est le test de référence pour savoir si je suis infecté-e par SARS-CoV-2?

Regrouper les tests (“pooling”, "poolage") : pourquoi et pour quoi faire ?

Que faire si j’apprends que j’ai été récemment en contact avec une personne qui vient d’être testée positive ?

Combien de jours faut-il attendre après un contact pour faire un test de dépistage COVID ?

Quelles approches pourraient permettre d'accélérer le dépistage à grande échelle ?