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Faux positifs, faux négatifs, sensibilité, spécificité des tests COVID : de quoi parle-t-on ?

Texte mis à jour le 2020-12-04


Quand on réalise un test pour détecter le coronavirus responsable de la COVID-19 ou une autre maladie contagieuse, on distingue 4 types de personnes :

Pour les tests de dépistage, le but est de détecter le maximum de personnes qui pourraient être infectées par le coronavirus SARS-CoV-2, afin de les isoler et d’éviter qu’elles contaminent les autres. On peut par exemple imaginer des tests réalisés à l’entrée d’un stade pour un match de foot. On veut s’assurer que les personnes infectées sont bien identifiées. Ce que l’on souhaite maximiser dans ce cas est la sensibilité, c’est-à-dire la proportion de vrais positifs parmi tous les individus infectés (=VP/ (VP+FN) ). C’est la probabilité qu’un test soit positif pour une personne infectée : plus elle est élevée, plus le test est sensible. Dans le cas du dépistage de la COVID-19, la sensibilité n’est pas le seul paramètre important à prendre en compte pour gérer l’épidémie, il faut aussi que le test soit rapide et réalisable sur un grand nombre de personnes, comme expliqué ci-dessous.

Pour les tests de diagnostic, le but est d’établir un diagnostic, c’est-à-dire de savoir si une personne est infectée par le coronavirus SARS-CoV-2. Il est alors important de s’assurer que l’on détecte bien la maladie. On veut être sûr que les personnes qui ne sont pas infectées sont correctement identifiées. Ce que l’on souhaite maximiser dans ce cas est la spécificité, c’est-à-dire la proportion de vrais négatifs parmi tous les individus non infectés (=VN/ (VN+FP) ). C’est la probabilité qu’un test soit négatif pour personne qui n’est pas infectée : plus elle est élevée, plus le test est spécifique.

Pour évaluer un test, il faut regarder à la fois sa spécificité et sa sensibilité. Pris séparément, ces deux paramètres ne veulent rien dire. Par exemple, si la sensibilité est de 100% et la spécificité de 50%, cela signifie que l’on va détecter comme positives toutes les personnes infectées mais aussi de nombreuses personnes qui ne sont pas infectées (des faux positifs). L’idéal est de choisir un test qui optimise à la fois la sensibilité et la spécificité

Les concepts de sensibilité et de spécificité sont utilisés pour les tests dichotomiques (oui/non, positif/négatif) alors que de nombreuses mesures de laboratoire donnent une valeur continue. Le seuil d’un test (la valeur à laquelle il est décidé qu’un test devient positif) influence sa sensibilité et sa spécificité. La valeur de ce seuil dépend fortement de l’utilisation prévue du test. On peut changer le seuil pour rendre un test plus sensible, mais dans ce cas il risque de devenir moins spécifique. L’augmentation de la sensibilité d’un test se fait généralement au détriment de sa spécificité, et vice versa.

Dans le cas des tests COVID-19, différents réactifs et protocoles sont utilisés. Il n’y a pas de standard entre les laboratoires et entre les pays concernant la valeur de seuil à partir de laquelle une personne est déclarée positive. 

Selon l’utilisation prévue du test, on va rechercher plutôt une meilleure sensibilité ou une meilleure spécificité. En France, la Haute Autorité de la Santé considère que les tests de diagnostic pour la COVID-19 doivent avoir une spécificité minimale de 99% et une sensibilité minimale de 80%.

Dans le cas de la COVID-19, on peut distinguer trois types de dépistage/surveillance :

(1) utilisation à des fins de surveillance et de prévention épidémique. Dans ce cas, des tests de dépistage sont réalisés pour pouvoir déclencher une procédure d’alerte et un renforcement des procédures de sécurité quand un certain seuil est dépassé. On ne cherche pas forcément à remonter aux individus contaminés.
(2) dépistage de masse. Par exemple des tests réguliers dans des communautés à risque (typiquement les Ehpad, les campus universitaires ou des centres de production alimentaire).
(3) dépistage ponctuel avant un rassemblement. Par exemple avant une réunion familiale, ou un cocktail à la Maison Blanche.

Les cas (1) et (2) concernent des dépistages à grande échelle sur un temps court. Pour atteindre des milliers voire des millions de personnes, la meilleure approche au vu des données actuelles semble être le poolage des tests et l’utilisation de tests salivaires. Voir les questions Quelles approches pourraient permettre d’accélérer le dépistage à grande échelle ? et Regrouper les tests (“pooling”, “poolage”) : pourquoi et pour quoi faire ? Dans le cas (3), on veut surtout s’assurer qu’il n’y a aucune personne infectée qui participe au rassemblement, quitte à exclure des personnes qui sont des faux-positifs. On va alors privilégier les tests avec une forte sensibilité.


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Sources

Article expliquant les concepts de spécificité et de sensibilité avec des schémas.

Loong, T. W. (2003). Understanding sensitivity and specificity with the right side of the brain. Bmj, 327(7417), 716-719.

Article de synthèse qui explique les tests de dépistage et les programmes de dépistage.

Guessous, I., Cornuz, J., Gaspoz, J. M., & Paccaud, F. (2010). Dépistage: principes et méthodes: Dépistage. Revue médicale suisse, 6(256), 1390-1394.

En France, la Haute Autorité de la Santé a rendu fin septembre 2020 un avis favorable à l’utilisation des tests antigéniques sur prélèvement nasopharyngé seulement chez les personnes qui présentent des symptômes de la COVID-19 (fièvre, toux sèche, perte de l’odorat ou du goût, etc.) si les performances du test sont : une sensibilité minimale supérieure à 80% et une spécificité minimale supérieure à 99%.

Avis de la Haute Autorité de la Santé du 9 octobre 2020.

Article du New-York Times qui explique que différentes valeurs de seuil sont considérées selon les états aux Etats-Unis, et que cela influence l’estimation du nombre de personnes positives COVID-19.

Mandavilli, A. (2020). Your Coronavirus Test Is Positive. Maybe It Shouldn’t Be. New York Times. Updated 17 Sept 2020.

Avis de la Société française de microbiologie (SFM) en France daté de fin septembre 2020 qui propose un algorithme et une valeur de seuil pour les tests de diagnostic de la COVID-19 afin de tenter d’homogénéiser les résultats des tests.

https://www.sfm-microbiologie.org/wp-content/uploads/2020/10/Avis-SFM-valeur-Ct-excre%CC%81tion-virale-_-Version-Finale-07102020-V3.pdf

La Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis distingue trois types de tests pour la COVID-19 : “surveillance”, “screening” et “diagnostic testing”.

FDA Website. COVID-19 Test Uses: FAQs on Testing for SARS-CoV-2. Last accessed 1 Dec 2020.

Modélisation de différentes stratégies de dépistage COVID-19 selon la fréquence des tests (de quotidiens à bimensuels), la rapidité de l’annonce du résultat (et donc longueur du délai entre le test et l’isolement d’une personne positive) et la sensibilité des tests (charge virale minimale pour la détection). Les chercheurs concluent que pour contrôler l'épidémie, il est plus important de faire des tests virologiques réguliers et d’en donner rapidement les résultats, que d’avoir des tests extrêmement sensibles. Il faut cependant tester très régulièrement (le modèle envisage des tests tous les jours, tous les 3 jours ou toutes les semaines), ce qui est coûteux et nécessite une bonne logistique.

Larremore, D. B., Wilder, B., Lester, E., Shehata, S., Burke, J. M., Hay, J. A., ... & Parker, R. (2020). Test sensitivity is secondary to frequency and turnaround time for COVID-19 surveillance. MedRxiv.

En Chine, mi-octobre 2020, plus de 10 millions de personnes ont été testées pour la COVID-19 en 5 jours grâce à 4090 lieux de test à Qingdao et dans les banlieues environnantes. Chaque résident a été contacté pour effectuer le test. Les informations d'enregistrement comprenaient le numéro de la carte d'identité, l'adresse professionnelle ou résidentielle et le numéro de téléphone. Des écouvillons nasopharyngés ont été obtenus. Afin de réduire le temps de traitement et d'économiser les ressources, une approche par poolage a été choisie, chaque pool contenant les échantillons de 3 à 10 personnes (3 pour les cas contacts de personnes infectées, 5 pour les patients hospitalisés ou le personnel soignant, et 10 pour les membres d’une communauté). Si un échantillon groupé était positif, alors un test individuel était effectué sur chaque personne du groupe.

Xing, Y., Wong, G. W., Ni, W., Hu, X., & Xing, Q. (2020). Rapid Response to an Outbreak in Qingdao, China. New England Journal of Medicine, e129.

Dépistage massif et régulier des étudiants de l’université de Duke aux Etats-Unis : 10 265 étudiants ont effectué le test 68 913 fois, et 84 ont eu des résultats positifs, dont la moitié étaient asymptomatiques. Les tests ont été effectués en pool sur des prélèvements nasopharyngés.

Denny, T. N., Andrews, L., Bonsignori, M., Cavanaugh, K., Datto, M. B., Deckard, A., ... & Haase, S. B. (2020). Implementation of a pooled surveillance testing program for asymptomatic SARS-CoV-2 infections on a college campus—Duke University, Durham, North Carolina, August 2–October 11, 2020.

Pour aller plus loin

Quel est le test de référence pour savoir si je suis infecté-e par SARS-CoV-2?

Quels sont les différents types de tests sérologiques ?

Regrouper les tests (“pooling”, "poolage") : pourquoi et pour quoi faire ?

Quel prélèvement pour dépister la COVID-19 : nasopharyngé ou buccal ?

Combien de personnes sont infectées sans montrer de symptômes ?

Quelles approches pourraient permettre d'accélérer le dépistage à grande échelle ?

Comment se préparer pour un test COVID-19 nasopharyngé ? Et en particulier pour les personnes dépendantes (enfant, personnes âgées ou handicapées) ?